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1. FREUD: LA CONSCIENCE ET L’INCONSCIENT - FREUD et SARTRE (Unité 3)

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UNITÉ 3. L’ÊTRE HUMAIN

1. FREUD: LA CONSCIENCE ET L’INCONSCIENT

Le débat sur l’être humain connaît un tournant important à la fin du XIXe siècle. L’analyse platonique partant, premièrement, de la différence entre corps et âme, et ensuite, de l’étude des parties de l’âme, représentait la matrice commune de toute la réflexion postérieure sur l’être humain. La pensée moderne, chez Descartes, reformule ces notions, en forgeant l’image de l’homme moderne : il est conçu comme un sujet auto-conscient, libre, pleinement rationnel et maître de soi-même. Cependant, à la fin du XIXe siècle, trois auteurs ruinent cette image de l’être humain. Marx, Nietzsche, Freud, étant des penseurs radicalement différents, coïncident cependant sur une même conclusion qui influe décisivement sur toute la pensée du XXe siècle : la thèse de « la mort de l’homme ».

La mort de l’homme ne signifie absolument pas que les hommes vont mourir, ni rien de semblable. Cela veut dire, tout simplement, que l’idée moderne de sujet auto-conscient est plutôt une « illusion »: la conscience (mon identité, ma personnalité, ce que je suis, ce que je pense) est l’effet de mécanismes qui agissent à un niveau préalable. L’ « homme » est alors le résultat d’autres causes qui ne sont plus lui-même. Mort de l’homme: fin du mythe de l’homme maître de soi-lui-même. L’objet de ces pensées est, justement, de démasquer cette illusion, en montrant les mécanismes de production de la subjectivité (des sujets). C’est pourquoi ces trois penseurs ont été inclus dans une même « école du soupçon ». Pour exposer cette thèse, nous allons étudier la doctrine de Sigmund Freud (1856-1939): la psychanalyse. Le développement de cette théorie connaît deux étapes.

1.1. La 1e Topique: la conscience et l’inconscient

La psychanalyse naît, originairement, comme résultat de la recherche d’une thérapie pour soigner les troubles mentaux. En étudiant certains cas de névrose (comme le cas d’Anne O.), Freud découvre que le trouble peut seulement être expliqué si on l’interprète comme un symptôme, une manifestation d’un conflit existant dans le plan latent de la vie psychique de l’individu. Cette différence entre un ordre du manifeste opposé à un ordre du latent, constitue la clé avec laquelle Freud réussit à expliquer la vie psychique normale (saine) des individus : des phénomènes tels que les actes manqués, les lapsus, les blagues et spécialement, le cas paradigmatique des rêves. En effet, tous ces phénomènes peuvent être compris seulement si on les considère comme des manifestations sur le plan conscient de contenus non conscients.

Freud publie en 1900 un de ses plus décisifs textes : L’interprétation des rêves, où il essaie de reconstruire la structure générale du psychisme humain (dénommée 1e Topique). Dans ce livre,

Freud analyse soucieusement le phénomène considéré « la voie royale d’exploration » du schéma de la vie psychique normale: les rêves. Il soutient que les rêves sont la manifestation sur le plan conscient des tensions et conflits qui se produisent sur un plan inconscient existant dans la psyqué humaine. Cela signifie que les rêves agissent comme des symboles qui peuvent être interprétés, décodés, et que, pour cela, ils donnent accès à la compréhension des forces de la vie inconsciente qui déterminent le sujet. À partir de cette thèse, Freud différencie trois plans de la structure psychique. D’abord, le plan du conscient, comme étant le plan de la manifestation: la sphère où se rendent visibles et patentes pour le propre individu les tensions produites dans une instance inférieure. Cette instance inférieure est l’inconscient, qui est le plan où s’agitent les forces qui émergent et se montrent dans la sphère consciente.

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de certaines activités, et la restauration de l’équilibre grâce à la libération de cette énergie (plaisir). Vivre, est une constante résolution des désirs qui naissent chez moi et me poussent à l’action. Les deux pulsions basiques, qui orientent toute l’activité psychique des individus, pense Freud, sont celles de l’autoconservation et de la sexualité (bien que progressivement il donnera plus d’importance à cette dernière, dénommée libido, jusqu’au point de la mélanger avec la notion de pulsion).

Or, pourquoi pense Freud que le désir est archaïque ? Parce qu’il plonge ses racines les plus profondes dans le corps : l’obscur, l’opaque, le complètement inaccessible pour la conscience. De cette façon, Freud ancre notre vie psychique (notre conscience) dans la profondeur obscure et inaccessible du corps. Le désir est cette présentation et cette exigence qui provient de l’abîme du corps, s’imposant sans contrôle sur la conscience du sujet. Le corps est alors la source dernière de la vie psychique. Elle mobilise l’énergie qui pousse l’action du sujet dans la recherche de sa satisfaction. Cette énergie acquérant la forme de l’obscure et inaccessible conglomérat d’anhèles, passions, peurs, angoisses, idéalisations, etc., qui dynamise et constitue la psyché humaine. Le conscient, ce qui était le plus important pour la philosophie de la réflexion moderne à cause du trait décisif de l’auto-conscience humaine, de sa capacité pour se maîtriser soi-même, est alors justement le scénario, le théâtre où se montre l’archaïsme du désir, cause dernière de la vie psychique. C’est seulement la périphérie de l’appareil psychique : le lieu des effets de sens. Il y a donc une primauté de l’inconscient sur la conscience.

Or, la forme des rêves permet de constater que l’inconscient ne se manifeste pas directement, tel qu’il est, sur le plan conscient. Au contraire, l’ordre du désir provoque tels conflits et tensions pour le propre individu, qui causent l’apparition d’une censure. Cela oblige Freud à introduire un troisième facteur de la structure psychique : le préconscient. Celui-ci constitue la frontière entre l’inconscient et le conscient. Une barrière qui censure certains des contenus, permettant seulement leur accès à condition d’être déformés et masqués. En étant censuré, l’inconscient émerge au plan conscient, mais déformé, transformé, masqué. Pour cela, pour comprendre la signification profonde d’un rêve, il faut l’interpréter, c’est-à-dire, décoder les éléments inconscients qui expliquent ce qui se passe : lire ce que dans le rêve se montre comme absurde, incompréhensible, le renvoyant aux tensions cachées de l’inconscient.

À partir de cette analyse, Freud conclut que les états de santé et maladie mentale peuvent alors être compris comme la conséquence de la façon de libérer la tension produite par le désir. Les mécanismes de défense sont les différentes stratégies par lesquelles un désir est libéré. Les pathologies sont le résultat de mécanismes inefficaces: ceux qui ne réussissent pas à libérer vraiment le désir. La répression est le plus important d’entre eux. Elle est inefficace parce qu’elle n’arrive pas à résoudre le désir, mais seulement à le masquer, à le déguiser: le désir réprimé (déguisé) revient toujours, mais sous la forme d’un symptôme (c’est-à-dire, d’un trouble mental). En revanche, la santé mentale est le résultat de l’action de mécanismes efficaces (stratégies de résolution du désir efficaces). Le plus efficace est la sublimation, qui consiste en un déplacement du désir (vécu par l’individu comme dangereux, conflictuel) vers d’autres fins culturellement supérieures : une spiritualisation du désir.

1.2. La 2e Topique : Le Moi, le Ça et le Surmoi (Yo-Ello-Superyo)

Cependant, ce premier schéma de la structure psychique est transformé à partir du moment où Freud cherche à expliquer les mécanismes psychiques responsables de la constitution de l’identité du sujet. Cela suppose l’introduction dans l’explication de l’élément de la culture. Le résultat est la 2e Topique.

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expériences telles que la douleur, découvre qu’il n’est pas la seule réalité qui existe; il prend conscience que son existence se déroule dans un monde qui résiste et même s’oppose à ses désirs. Commence à se découper ainsi l’image du moi propre, qui s’oppose à tout cet autre que je ne suis pas, mais avec lequel il faut interagir pour arriver à satisfaire ses désirs. De cette façon, apparaît le second principe du psychisme: le Principe de Réalité, responsable d’ajuster rationnellement notre désir aux conditions externes du monde, réduisant ainsi la frustration provoquée par les désirs non satisfaits. L’existence de l’individu, à partir de ce moment, est en accord avec l’articulation de ces deux principes : poursuivre le plaisir, et pour cela, accepter et s’adapter aux conditions imposées par la réalité.

Or, la « réalité », le monde où il faut se développer, est intégré fondamentalement par d’autres êtres humains, avec lesquels il faut cohabiter. L’individu existe dans la société, donc, ce qu’il faut expliquer pour comprendre la constitution du psychisme humain, ce sont les mécanismes d’insertion des individus dans le monde de la culture. Donc, le monde social (auquel il faut ajuster les désirs pour arriver à les satisfaire) est fait de normes (qui régissent la vie sociale). La culture, à cet égard, est l’ordre de règles qui permettent la cohabitation de nombreuses «machines à désirer». Cette incorporation suppose l’acceptation des normes qui régissent l’espace social, et qui permettent la satisfaction partielle des désirs de tous les individus.

S’insérer dans la culture, ça veut dire incorporer des normes qui limitent la possibilité de satisfaire l’infini nombre de désirs. Il faut que le sujet renonce à satisfaire entièrement le nombre infini de désirs; une concession raisonnable, d’accord avec le principe de réalité, puisque grâce à la société il peut en satisfaire une partie.

Pourtant, cette situation définit l’existence de l’individu dans le conflit irrésoluble entre deux forces: d’un côté, la tendance vers la satisfaction infinie de tous ses désirs; de l’autre, l’obligation de les limiter pour arriver à cohabiter avec d’ autres individus qui désirent aussi satisfaire leurs infinis désirs. Donc, conclut Freud, il faut penser à certain mécanisme dans la psyché humaine capable de graisser et de résoudre ce conflit. Dans le cas contraire, les individus se trouveraient divisés, coupés entre une pulsion agressive contre tout ce qui les empêcherait de satisfaire leurs désirs (les autres et les normes de la vie sociale), et le fait qu’ils auraient besoin d’elle. Quel mécanisme arrive à résoudre ce conflit? Freud répond : l’apparition d’une conscience morale, qui dissout le conflit grâce à l’intériorisation des normes sociales.

Comment apparait cette conscience morale ? Quel est le mécanisme qui permet d’intérioriser les normes? Puisque ce processus arrive dans l’enfance, Freud soutient qu’il doit s’agir d’un mécanisme infantile existant au sein de la famille. Le complexe d’Oedipe joue un rôle décisif de mécanisme d’acquisition par l’enfant de la première norme: le tabou de l’inceste, grâce à l’identification avec son père. Initialement, l’enfant éprouve un désir de caractère érotique envers sa mère (c’est-à-dire, il veut être le seul objet d’attention pour elle: il essaie de s’approprier entièrement de son existence). Le père est alors découvert comme un rival, puisqu’il le prive du complet dévouement de sa mère, et pour cela il ressent envers lui une pulsion agressive. Cela provoque un conflit: l’enfant désire sa mère; en même temps, il sent de l’agressivité contre son père, mais aussi de la peur, parce qu’il a conscience d’être plus faible. La résolution du conflit consiste, dit Freud, en une espèce de « pacte ». L’enfant renonce à satisfaire le désir érotique vers sa mère, en s’identifiant à son père: c’est-à-dire, en échange de la promesse de le satisfaire (en autre objet) au moment de devenir comme son père. La norme est alors intériorisée parce qu’elle s’avère la solution optimale par rapport à ses possibilités de satisfaire ses désirs. Ce qui est important dans ce mécanisme, c’est qu’en s’identifiant avec son père, l’enfant arrive à rentrer dans l’univers des règles, codes et différenciations de la culture. Le reste des normes sont alors acquises par la répétition du même mécanisme : la renonce à une impossible satisfaction infinie de désirs en échange d’une satisfaction (limitée) différée. De cette façon, l’enfant intériorise la culture grâce au développement de sa conscience morale.

Le résultat de la découverte des rôles joués par la culture et la conscience morale dans la constitution du psychisme humain est la 2e Topique (second schéma de la structure psychique du sujet), constituée par

trois éléments : le Moi (dimension de la conscience), le Ça (dimension de l’inconscient, ça veut dire l’archaïsme du désir), et le Surmoi (la conscience morale, résultante de l’intériorisation des normes sociales).

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d’accepter des normes qui limitent l’instinct, le désir, la recherche du plaisir. C’est pourquoi il se produit toujours quelques doses de frustration culturelle, quelque forme d’insatisfaction implicite à la vie sociale.

Cette frustration ne doit pas nécessairement atteindre un degré pathologique, mais peut expliquer l’apparition de certaines d’entre elles, dépendant de la manière de s’insérer dans la société. Habiter en société est la condition de l’homme, mais empêche sa complète harmonie.

La conscience morale (surmoi) est le mécanisme décisif parce qu’elle dissout (du moins partiellement) ce conflit inévitable en déplaçant l’énergie du désir insatisfait contre le propre moi, transformant l’agressivité qui se ressent vers les autres (ceux qui l’empêchent de satisfaire certains de ses désirs) en sentiment de culpabilité: agressivité envers soi-même. Elle provoque, de cette façon, une neutralisation des instincts de l’être humain, un apaisement des pulsions agressives et sexuelles, sans laquelle la nécessaire cohabitation pacifique avec les autres serait complètement impossible. Elle harmonise l’inévitable conflit entre les pulsions de l’individu à la recherche de son propre plaisir et la tendance nécessaire à la coopération avec les autres. La constitution du psychisme de l’individu dépendra donc de l’équilibre de ces trois éléments.

2. SARTRE: UN HUMANISME EXISTENTIALISTE

L’existentialisme est un courant philosophique du XXe siècle qui, entre autres choses, assume le défi d’essayer de surmonter la pensée antihumaniste qui défend la mort de l’homme. Il suppose donc un nouveau type d’humanisme qui essaye de prendre en charge d’une façon radicale le fait de l’existence humaine. Son représentant le plus marquant, et l’intellectuel le plus influent de la seconde moitié du XXe siècle, est Jean-Paul Sartre (1905-1980). Il ébauche quelques unes de ses thèses fondamentales dans L’existentialisme est un humanisme.

2.1. Sartre soutient que le principal obstacle qui, tout au long de l’histoire de la philosophie, a empêché d’arriver à une compréhension adéquate de l’être humain, a été le fait de le considérer comme un type d’étant (chose) doté d’une nature humaine (par exemple, composé d’âme et de corps). Justement, Sartre affirme que l’être humain n’a pas de nature. Ceci est la thèse fondamentale de n’importe quel existentialisme (chrétien ou athée).

En effet, si l’on décrit soigneusement la manière d’être des choses, on trouve toujours qu’elles ont une essence qui préalablement préfigure leur existence. Leur essence précède leur existence. Cela signifie qu’exister consiste, pour les choses, à développer l’ensemble des propriétés qui définissent d’avance ce qu’elles sont. L’essence des choses se trouve déjà donnée et dirige leur développement : chacun des instants dans lesquels se développe leur existence. Les ciseaux, les pins, ont une nature qui définit d’avance ce qu’ils sont. Pour les choses, exister, c’est déployer dans le temps ce qu’elles sont déjà : l’ensemble de propriétésqui les définit.

Cependant, cette description ne peut s’appliquer pas à l’être humain. Dans le cas de l’être humain, on ne peut pas trouver d’essence se déployant dans le temps. Au contraire, le fait radical, fondamental, pour comprendre l’être humain, c’est que l’être humain n’a pas d’essence. L’être humain n’est rien : c’est-à-dire, qu’il est pure possibilité. Les choses sont déjà quelque chose : table, radiateur, rideau… un ensemble de propriétés. L’être humain n’a pas de propriétés essentielles : il peut arriver à être n’importe quoi. Il n’y a pas d’essence humaine. Il n’est pas condamné à n’être rien de particulier. Nous ne pouvons pas affirmer qu’il y ait une forme d’existence particulière qui soit l’humaine. Pompier ou architecte, père ou célibataire, catholique ou musulman, égoïste ou altruiste… tout cela sont des possibilités d’être humain, mais aucune d’elles n’est son essence. Il n’y a aucune forme concrète d’être humain qui soit naturelle, face aux autres.

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construisant sa manière particulière d’être humain. Donc, la façon d’être humain qu’il devient (son essence), sera le produit de ses choix. Il faut alors ajouter : l’homme n’a pas de nature, mais il a une condition humaine : son existence se trouve donnée dans une situation historique qui découpe ses possibilités d’être humain.

L’existence humaine est historique : elle se déploie dans un contexte historique qui détermine les possibilités de choix et d’actions. Pour clarifier cette thèse, ajoutons quelques idées. D’abord, si la tâche de l’être humain est de devenir lui-même, son existence consistera à se jeter vers l’avenir, en s’entraînant dans une série d’activités. L’être humain ne se définit pas autant par son passé que par son avenir. C’est le projet ce qui détermine ce qu’il est. Donc, l’être humain consiste en un projet d’existence qui dirige et oriente son activité : la forme d’humanité en laquelle il s’est constitué (maître, père, croyant, ou ce que chacun est). Or, dans un second temps, puisqu’il n’y a pas d’essence, le projet doit être choisi par chaque homme. Mon projet est ma forme concrète d’humanité. Mais cette forme concrète doit être choisie par moi : justement, mon choix originaire constitue la forme d’être humain que je cherche devenir. S’il n’y a pas d’essence, alors l’être humain est condamné à être libre. Je ne peux pas ne pas choisir : exister consiste à choisir, à chaque moment, la façon d’être humain que je suis. Cela me rend entièrement responsable de mon existence. Puisque c’est moi qui produis ma vie, l’unique responsabilité de la valeur de ma vie, de son succès ou de son échec, me correspond.

À cet égard, l’existentialisme suppose une conception de l’être humain et de la réalité subjectiviste, dont la validité se supporte dans la découverte fondamentale de la philosophie cartésienne: l’autoconscience. En effet, le cogito cartésien suppose de concevoir l’être humain comme une chose qui pense (je pense donc je suis): une conscience capable donc de réfléchir sur elle-même, d’être auto-consciente. L’acte de réflexion introduit le radical écart entre l’être humain et les autres choses, parce qu’il contient la condition de la liberté, constituant pour cela le point de départ de l’existentialisme. En réfléchissant, j’oriente mon attention sur moi-même, me rendant conscient de ce que je suis, et j’ouvre donc l’espace, la nécessaire distance avec moi-même qui me permet de me choisir moi-même (questionner, penser et décider le projet que je suis).

Contre les courants antihumanistes, qui conçoivent le sujet comme un effet, Sartre soutient que la réflexion ouvre l’écart nécessaire avec l’entourage qui me conditionne : toutes les circonstances, les influences sociales, culturelles, familiales, psychiques. Au moment de me penser moi-même, je m’écarte de ma propre vie, et de cette façon j’arrive à me l’approprier. Je deviens capable de la valoriser, et de me choisir: j’affirme ou nie radicalement. Je dis un radical et absolu oui ou non qui me libère de tout détermination, un oui ou non à ce que je suis et ce que je veux devenir. J’interromps l’existence que je suis, en ouvrant la question de ce que je vais devenir. L’individu ne se trouve pas déterminé par le passé, mais par l’avenir dans lequel il se projette. Et le projet que je suis, je le choisis maintenant en m’orientant vers l’avenir. La question fondamentale n’est pas « comment suis-je devenu ce que je suis ? », mais « et maintenant, que vais-je faire ? » Mes parents, mes amis, ma classe sociale… rien ne répond à cette question, qui exige d’être répondue par moi. Parce que je me pense moi-même, je me choisis, et parce que je me choisis, je suis entièrement responsable de mon existence. Or, dans un quatrième temps, Sartre soutient que son interprétation de la subjectivité (le moi libre et responsable) est différente de celle de Descartes. Cela a à voir avec le contenu du choix : qu’est-ce que je choisis quand je choisis le projet que je suis ? Chez Descartes, le sujet se trouve isolé, n’a pas besoin des autres. Sartre soutient le contraire : les autres hommes sont déjà implicites dans mon projet, parce qu’au moment de me choisir, je choisis en même temps à l’humanité: je choisis l’homme. En effet, le projet que je suis, suppose une sorte d’être humain concret : une essence possible pour (il peut la partager) n’importe qui, et qui peut être jugée par n’importe qui. Je choisis mon projet par rapport aux autres, parce que nous habitons un espace commun, un même monde. Et dans ce monde le projet que chacun incarne trouvera des alliances qui favoriseront son développement, en construisant une réalité commune, ou bien se trouvera dans l’affrontement d’autres projets d’humanité qui lui opposeront leur résistance, parce qu’ils le poussent vers

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2.2. Il y a trois concepts décisifs pour clarifier la thèse existentialiste, affirmant que l’être humain n’a pas d’essence, mais qu’il est donc une existence qui se construit elle-même. Trois phénomènes qui illustrent la manière d’être de l’existence humaine. Le premier, c’est l’expérience de l’angoisse. Qu’est-ce que l’angoisse ? Le sentiment qui montre, comme un symptôme, notre propre et radicale liberté. À propos du cas de « l’angoisse d’Abraham », Sartre atteste que le sentiment d’angoisse apparaît dans la situation où nous nous affrontons à un choix original, où se joue notre existence. Je suis tout seul, personne ne peut choisir pour moi, mon existence se joue dans ce choix, et je ne peux pas ne pas choisir. Cela nous terrifie. La peur apparaît. Une peur vide, sans objet, une peur de se tromper. Parce que rien ne garantit la réussite. Qui peut démontrer que je fais bien ? La peur parce que, à chaque moment, c’est moi qui doit décider ce qui est correct, et il n’y a pas de seconde chance. Ici et maintenant, il faut que j’agisse. L’angoisse exprime cette peur. Or, parce qu’il s’agit d’une expérience commune, elle joue un rôle important dans la pensée existentialiste : elle sert à vérifier l’analyse. Que nous sentions de l’angoisse atteste que nous sommes et nous savons libres.

Dans un second temps, Sartre affirme que l’être humain se trouve délaissé. Cette idée porte jusqu’à ses dernières conséquences la thèse que l’être humain n’a pas d’essence. Et cela explique en plus pourquoi l’existentialisme chez Sartre doit être athée. En effet, si l’être humain n’a pas d’essence, Dieu n’existe pas (ou, du moins, son existence m’est indifférente). Si Dieu existe, alors l’être humain serait le produit de sa création et, comme toute création, il aurait une nature. Donc, son existence consisterait à se plier à cette nature. Mais le fait radical est qu’il n’y a pas de nature humaine. Dieu n’existe pas, alors tout est permis. Tout est permis : s’il n’y a pas de nature humaine, il n’y a alors aucune forme juste, absolue, d’être humain. C’est-à-dire, il n’y a aucun système de valeurs existantes à priori. Aucun système moral ne peut d’avance déterminer ce qu’il faut faire : qu’est-ce que le juste à chaque situation concrète. Sartre prend l’exemple d’un étudiant qui, pendant la 2e Guerre Mondiale, s’affronte au dilemme de se

joindre à la résistance contre l’occupation nazie, ou bien de rester chez lui en s’occupant de sa mère. En effet, aucun système moral, soutient Sartre, ne peut décider dans ce cas ce qu’est le choix correct. Ni le chrétien, ni le kantien, ni rien. Les systèmes moraux sont toujours abstraits : un ensemble de normes universelles. C’est pour cela qu’ils ne peuvent pas être appliqués à une situation concrète. Aucun principe abstrait (aimer le prochain, etc.) ne peut résoudre le dilemme par lui-même. Au final, seul l’individu qui affronte la situation, et dont l’existence se joue dans ce choix, peut déterminer ce qu’il faut faire. Face à ces morales abstraites, Sartre oppose une morale concrète. La morale concrète ne permet de faire appel à aucune valeur a priori. C’est une morale de l’engagement : l’individu choisit dans le vide, sans normes a priori qui puissent l’orienter. Simplement, il s’engage avec son projet et, en faisant cela, il forge des valeurs et des normes. C’est l’individu qui supporte le système de valeurs, qui donne valeur au projet. Chaque individu, dans le choix qu’il doit prendre dans chaque situation, affirme cette morale qui incarne une forme concrète d’humanité. Et dans cette affirmation, il produit sa propre existence.

Enfin, dans un troisième temps, Sartre soutient que la condition humaine se caractérise par le désespoir. Cela veut dire que, en agissant, nous nous limitons à compter sur ce qui dépend de notre volonté. Sartre oppose cette thèse à la notion d’« acte gratuit » chez Gide. L’acte gratuit serait un choix démotivé,msans référents, un acte de pure autocréation. Sartre soutient que cela suppose le fait d’ignorer que tout choix se produit dans une situation donnée que je ne crée pas, mais que, justement, le monde met devant moi, m’obligeant à agir. Mon projet d’existence, ma manière d’être humain, se donne déjà limitée, alors, par l’ensemble des possibilités qui profilent ma situation dans le monde, dessinant d’avance mes choix possibles. Tout choix se donne dans une situation concrète, et ouvre en même temps qu’il ferme certains possibles réels à mon action.

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conséquences abstraites. Par exemple, je ne peux pas être responsable de la faim ou de la pauvreté dans le monde, mais oui j’ai la responsabilité de ce que mes actes contribuent ou non à soulager cette situation quand j’achète certains produits. Si je ne fais rien pour modifier cette situation, alors je contribue à elle, et donc je devrais assumer ma partie de culpabilité. Chaque individu fait partie du tout : alors on n’est pas responsable de tout, mais bien de la partie qu’on incarne.

2.3. À la suite de ces thèses, Sartre est accusé de relativisme moral ou d’immoralisme. En effet, s’il n’y a pas de valeurs a priori, alors il n’est possible défendre aucune norme en termes absolues : est-ce qu’on peut voler ? Est-ce qu’on peut tuer ? Faut-il aider aux autres ? Il ne faut pas mentir ? Je ne sais pas, de manière abstraite. Dieu n’existe pas, alors tout est permis : il n’y a plus ni bien ni mal dans l’abstrait. Chaque individu s’engage avec des valeurs, et ce faisant, il choisit lui-même. Il n’y a plus de forme juste ou injuste d’être humain.

Or, Sartre défend que nous pouvons établir un dernier critère pour discriminer des formes d’être humain. Il n’y a plus de bien ni de mal a priori, mais nous pouvons opposer une forme de vie authentique face à une autre inauthentique. L’authenticité devient alors le fondement dernier de la morale concrète sartrienne. Elle définit une sorte d’existence qui nie sa propre liberté. Sartre la dénomme mauvaise foi.

Chaque fois qu’un individu place sa responsabilité sur ses actes, sur sa vie, dans une autre instance (la société, la famille, les amis, les pères, les professeurs, etc.), il refuse la seule vérité dernière : sa propre responsabilité. Une existence qui continuellement cache et masque sa propre liberté, en la déplaçant vers les autres, c’est une vie qui est vécue inauthentiquement. C’est une vie qui fuit d’elle-même, à la recherche du refuge ou de l’abri d’un autre lieu, à la recherche d’un autre qui prenne en charge son existence. Et cette sorte de vie s’avère condamnable. En revanche, l’authenticité suppose une sorte d’existence pleinement consciente, qui prenne entièrement en charge sa propre liberté, qui donc se rende complètement responsable de son existence. Nous sommes condamnés à être libres : la différence morale fondamentale consiste à assumer ou à nier sa propre liberté.

2.4. Finalement, Sartre se demande si l’existentialisme, en plus d’être vrai, suppose une conception de l’être humain pessimiste ou plutôt optimiste. L’existentialisme est-il une de ces vérités douloureuses qui rendent impossible vivre ? Au fond de la question se trouve l’accusation réalisée contre cette pensée. On dit qu’elle prête attention à ces aspects misérables de l’existence humaine. On dit qu’elle remarque seulement le sinistre. On dit qu’elle condamne l’être humain à une vie sans sens. Ce serait une pensée vraie, oui, mais insupportable. En effet, si tout est permis, alors rien n’a de valeur. Et alors quoi ? Tout m’est égal ? La vie d’un spéculateur financier, d’un trafiquant d’armes ou de drogues, et celle d’un coopérant, est ce pareil?

Celle de la personne socialement engagée et celle de l’indifférent ? Être généreux ou être égoïste ? Rien n’est ni pire ni meilleur ? Alors, pourquoi agir ? Est-ce vraiment mieux que passer son temps à ne rien faire? Si rien n’a de sens, alors il vaut mieux s’oublier de tout. S’il n’y a rien de meilleur que rien, alors, pourquoi agir? Qu’est-ce que ça peut faire? Il semble que l’existentialisme nous plonge dans le nihilisme. Et, comme toute conception pessimiste, conduit au quiétisme : à ne rien faire.

La réponse que Sartre offre est, justement, que l’existentialisme, en plus de concevoir correctement l’existence humaine (la décrire d’une façon plus adéquate), découvre sa profonde valeur. C’est pourquoi Sartre soutient que l’existentialisme est un humanisme : il rend à l’être humaine sa dignité, c’est-à dire, sa valeur inconditionnelle et absolue, contre toutes les positions antihumanistes, qui réduisent l’être humain à la condition d’un effet de certains mécanismes inconnus. En effet, penser à fond la liberté suppose éliminer tout référent moral a priori. Mais, en même temps, cela signifie rendre à l’être humain sa complète responsabilité : la possibilité d’être maître de lui-même. Reconnaître que la seule chose absolument précieuse est chaque individu concret existant, ayant devant lui la tâche de se construire lui-même.

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elle signifie reconnaître l’être humain comme absolument précieux, nous projetant à agir. Et à agir d’une façon plus consciente, plus lucide. Car la tâche de construire mon existence ne peut ni s’arrêter ni attendre.

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